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COMPAGNIE THEATRALE

 

Pour un travail pédagogique autour de Vagues souvenirs de l'année de la peste
de Jean-Luc Lagarce

Critiques 
Article Républicain
Article Michel Soubiran 
Article Michèle Asia 
A propos (1)
Apropos (2)

Jean-Luc Lagarce

Distribution
  

Résumé
Un groupe d'hommes et de femmes a dû quitter la ville de Londres à la suite d'une épidémie de peste.
Ils se retrouvent de campement en campement.
Chaque jour les premiers arrivés, ceux qui possèdent des biens, essayent d'empêcher les autres, les moins favorisés, d'entrer dans le campement, de les maintenir à l'extérieur.
Finalement, un campement où chacun trouve sa place, s'installe. Instant de paix provisoire avant que les intérêts personnels et les individualismes ne reprennent le dessus.
Ainsi, ce soir-là encore ils auront échoué dans leur tentative de créer un société nouvelle plus juste, mais ils ne renonceront pas dans leur quête d'humanité : demain ils recommenceront.
 
Travail autour de la pièce
 
* Jean-Luc Lagarce
- sa biographie
- son œuvre
- son écriture, travail sur le rythme des phrases et des séquences
- travail possible sur certaines séquences en référence aux différents thèmes de la pièce
Site "l'année(…)Lagarce" : http://www.lagarce.net
 
* Travail sur l'œuvre de Daniel Defoe (1660-1731)
- l'écrivain considéré comme le premier journaliste
- "Robinson Crusoe", d'après le nom du personnage devenu le symbole de l'étranger à toute société et en même temps de celui qui a reconstruit une société loin de toute civilisation
- "Moll Flanders", d'après le personnage de la prostituée qui a épousé toutes les classes sociales avec une volonté de vivre indestructible
- "Le journal de l'année de la peste", récit en forme de reportage sur un événement que Daniel Defoe n'a pas vraiment vécu -il n'avait que quatre ans à l'époque de la Grande Peste
 
* Références à l'histoire de Londres
- La Grande Peste 1664-65
- Le Grand Feu de Londres 1666
- La guerre contre les Hollandais
- La prison de Newgate
 
* Thèmes présents dans la pièce
- l'exclusion (l'étranger, le malade)
- l'individualisme
- la solidarité, le partage, l'entraide
- le SIDA
- l'émigrant
- les campements
 
* La peste à travers l'Histoire
- les épidémies de peste et leurs conséquences
- la peste et la peur
- la peste en tant que métaphore du mal
- le mythe de la peste
 
Des documents complémentaires peuvent être fournis par la compagnie.

   

Mise en scène  Éliane MORIN  
 

Critiques 

Par Laurence Gauthier - 17 novembre 2005
 

C'est lors d'un soir de couvre-feu imposé par un maire de banlieue que j'ai découvert, dans une petite salle de MJC , Vagues souvenirs de l'année de la peste, pièce de Jean-Luc Lagarce, montée, avec intelligence et sobriété, par la troupe des Trois Clous.
Des femmes, des hommes, pauvres échantillons d'humanité égarés, fuient une " peste " peut-être imaginaire…et tentent de survivre dans un campement nécessairement transitoire, rétréci à l'aune de leurs peurs et de leurs fantasmes, rejetant sur l'Autre frustrations et angoisses…
` Pur plaisir de voir cette troupe incarner les personnages de Lagarce en leur donnant chair à partir d'un texte périlleux fait de longues phrases sinueuses, souvent inachevées, suivant les méandres de la pensée humaine mise à nu face à l'autre…et à soi-même.
Le dispositif scénique est réduit jusqu'à l'épure : " corde "-terme tabou dans l'univers théâtral mais quel autre terme serait adéquat ?- cordon sanitaire- délimitant un cercle dans lequel se réfugient les personnages, matérialisant une quarantaine volontaire, partant, l'exclusion de l'autre vécu comme une menace.
Le tableau final donne à voir, à la lumière vacillante de bougies, l'accumulation d'objets, dentelles, cadres de photos , miroirs… témoignages d'une humanité qui, dans l'irruption du silence, se raccroche aux pauvres souvenirs d'une vie avant de sombrer.

(Laurence Gauthier est professeur, agrégée de Lettres et responsable d'une option-théâtre)


Article du Républicain 

 

Par Michel Soubiran - 21 novembre 2005

Le mot "peste" évoque presque toujours trois images : le compagnonnage des hommes et des rats ; la transgression des interdits et la chance des survivants. Le noir de la nuit bien sûr, mais aussi le rouge de l'enfer et les lueurs pâles de l'espoir. Trois limites aussi : celle de l'humanité et de la bestialité ; de la liberté et de la loi ; de "l'approbation de la vie jusque dans la mort" (Nietzsche). Et trois questions enfin : l'homme singera-t-il le rat, une fois encore, ou réussira-t-il à se dépasser ? La liberté se perdra-t-elle encore dans son narcissisme ou acceptera-t-elle d'enfanter à nouveau une raison ? Et l'amour sera-t-il plus fort que la mort ?
 
La pièce de Jean-Luc Lagarce, "Vagues souvenirs de l'année de la peste", place son observatoire à ce point de métastabilité où la conscience, la vie et le monde peuvent "prendre"comme un feu ou "tourner" comme le lait :
 
- Huit personnages, rescapés de l'épidémie et de l'exode ; "huit", si on veut, si on accepte l'arithmétique qui simplifie les relations complexes que la pièce décline en géométries variables ;
- Dans l'espace-temps de l'imminence : quelque chose peut finir ; autre chose commencer ; mais aussi bien peuvent recommencer les mêmes choses parce que "la mort reprend à son compte les choix fondamentaux de la vie".
- Il y a un an, peut-être après la grande peste de Londres de 1665 ou trois siècles après la publication de A Journal of the plague year de Daniel Defoe (1722) ; à moins que ce ne soit aujourd'hui où, après les trois grandes pestes de notre histoire (VIème, XIVème et XIXème siècles) on considère que "le déclin de la peste s'accélère depuis plusieurs décennies, et, sauf en cas de guerre ou de calamité, le risque de pandémie est écarté ; cependant, le caractère permanent de la maladie chez les rongeurs sauvages dans un très grand nombre de foyers naturels …"(Encyclopedia universalis)

Le parti-pris d'Eliane Morin et de la compagnie des Trois Clous est de ne rien gommer de cette géométrie de l'imminence et de l'ambiguïté. Comme toujours et dans tous les arts, la facilité ici aurait été de raconter : un objectif, un ennemi, un allié et un héros. Or, même si elle ne la facilite pas, la pièce de Lagarce n'interdit pas cette option : en quoi elle est particulièrement dangereuse ? "C'est ici que tout a pris fin…" suggère comme en passant le texte de Lagarce. Rien n'empêche en effet de faire de l'Homme au livre une sorte de puissance transcendante, du couple Forster un repoussoir de bêtise et d'égoïsme, de la prostituée Molly, une P. au grand cœur, de la jeune veuve enceinte une lumière d'espoir, de la nourrice et de la fillette une image de la solidarité et de Robinson Kreutznaer, last but not least, le héros d'une Odyssée ordinaire.
 
Eliane Morin, pour sa part, sans la rejeter, s'est interdit cette facilité : elle a cherché dans le texte de Jean-Luc Lagarce, non les pleins narratifs mais les déliés interrogatifs ; non pas les ficelles dramatiques mais les lignes d'horizon et les spirales éthiques ; non les mots jokers mais les points de suspension (dont le texte est constellé). Ainsi l'Homme au livre ne perd-il jamais son ambivalence et son livre ne se découvre à aucun moment : est-ce Moïse et la Bible ? Est-ce Defoe et une Bible insulaire britannique ? Ou quelque prêcheur à la langue de bois-papier ? Ainsi encore le couple Forster oscille-t-il entre silence et cynisme ; Molly entre la vengeance et le sexe, la jeune femme entre le passé d'amour et le calcul froid pour l'avenir ; l'enfant même et sa nourrice entre l'art qui réchauffe et le moralisme qui rejette ; ainsi enfin Robinson reste-t-il en suspens dans on ne sait trop quel no man's land …
 
A bien y réfléchir, c'est peut-être, sinon la compréhension philosophique, du moins la mise en évidence scénique et orchestrale de ce no man's land qui constitue l'objectif de l'interprétation de la Compagnie des Trois Clous.
Il y a d'un côté, disons, toutes ces îles, ces îles d'îles si bien mises en lumière par la mise en scène, que chaque homme sécrète indéfiniment comme une coquille pour protéger son identité, son nom, sa noblesse. Chacun peut, nous le savons, à chaque moment choisir cet enfermement pour se mettre à l'abri de l'impureté, de la contamination de l'étranger, du "rat". D'un autre côté, il y a la Peste, omniprésente, toujours en passe de franchir les murailles les plus hautes, fût-ce celles de Londres qu'on entrevoit au loin : ne seraient-ce pas encore des bûchers de cadavres, des charniers, demande l'Homme…? D'un côté la logique du bon sens apparent des Forster : "Si la Peste avait été là avant [que les étrangers ne nous contaminent] elle se serait répandue, et elle nous aurait atteints…" De l'autre cette évidence à souligner de rouge, comme l'âme des cordages de la marine anglaise, comme cette corde rouge sur la scène, que toutes ces îles baignent dans la même mer. Malgré le cantique amorcé par l'Homme, "Dieu ne peut pas être, pas seulement en tout cas, un refuge et une citadelle."
 
En fait, le metteur en scène trace devant nous les trajectoires de ces particules qui ne sont pas fatalement élémentaires même si leurs croisements et recoupements sémaphoriques semblent relever le plus souvent du hasard plus que d'une Harmonie monadologique à la manière de Leibniz : "Dieu ou le hasard, on ne sait plus très bien…"
Les derniers mots de la pièce eux-mêmes n'échappent pas à la mise en question : "s'entretuent", dit dans le noir par la petite fille, est le dernier mot. Mais il n'y a, ici comme ailleurs, pas vraiment de dernier mot : "Je n'en suis pas certaine … je crois qu'ils s'endorment, ou bien qu'ils se battent …" Dans no man's land, il y a encore une chance pour l'homme. Ah, ces points de suspension…
 
"Le théâtre, comme la peste, est à l'image de ce carnage, de cette essentielle séparation. Il dénonce des conflits, il dégage des forces, il déclenche des possibilités, et si ces possibilités et ces forces sont noires, c'est la faute non pas de la peste ou du théâtre, mais de la vie. Et de même que la peste, le théâtre est fait pour vider collectivement des abcès ".
A sa manière, Eliane Morin maintient le lien avec l'idéal qu'Antonin Arthaud fixait dans ces lignes, pour le nouveau théâtre dans Le théâtre et son double. Mais, à sa manière, moins cathartique et prophylactique que dramatique et critique : moins pour "l'abcès vidé" que les "possibilités déclenchées".

Dans le noir, en effet, écoutez, la musique que joue la fillette se survit … Le pire n'est pas certain.
 
(Michel Soubiran est professeur agrégé de philosophie, il a travaillé avec Patrick Haggiag et écrit des articles dans Le Monde)

Par Michèle Asia - 20 novembre 2005

La troupe Les Trois Clous nous propose la pièce d'un auteur trop tôt disparu, Jean-Luc Lagarce : Vagues souvenirs de l'année de la peste. De la peste nous ne verrons rien, nous n'entendrons rien si ce n'est le récit de ceux qui l'ont fuie. Ni râles ni cris ni corps agonisants ni masques noirs. Traversant la salle les uns après les autres pour rejoindre la scène, les personnages surgissent devant nous et se tenant à distance les uns des autres comme les chevaux sur un manège font un tour de piste et disparaissent. L'image de l'exode s'impose, oui, c'est cela qui va nous être raconté. Image d'autant plus forte qu'elle en réveille une autre : ces hommes et ces femmes vêtus de manteaux, portant ou traînant des valises, explorant la scène où ils vont revenir jouer c'est - fugitive évocation du voyage des comédiens : Fracasse et sa troupe, Molière et son Illustre Théâtre - peuple vagabond, fragile communauté constituée au gré des désirs et des engagements.
Ici pas de communauté d'élection. Seule la nécessité les a réunis. Fuir la peste donc. Peu à peu un soupçon nous gagne. Pourtant rien de plus familier que le début du spectacle : du prologue un homme est resté sur scène, il sort un carnet. Figure rassurante du chroniqueur conduisant un récit que viendront habiter les autres personnages. C'est la dernière nuit, loin de chez eux. La nouvelle de la fin de la peste est parvenue. Ils s'apprêtent à rentrer. La ville n'est pas loin. On aperçoit ses lumières. Alors pourquoi ce sentiment de doute ? Mis en confiance par ce dispositif rassurant, nous serions-nous laissés distraire, notre écoute s'est-elle relâchée ? Le réel se dérobe. Est-ce vraiment la dernière nuit ? Le but est-il si proche ? Que vont-ils retrouver ? A qui se fier ? Nous redoublons d'attention. Un vertige nous prend. Notre vigilance n'est pas en cause. Le texte est piégé, le sol instable, miné. L'auteur utilise un dispositif qu'il va subtilement dérégler : non seulement le temps utilisé pour le récit oscille entre présent et passé mais imprécisions, souvenirs vacillants, doutes, s'y glissent. La position du conteur s'en trouve ébranlée et son statut même sera mis en cause lorsqu'il s'adressera aux autres devenant lui aussi personnage.
Dans ce jeu avec le réel, rien de gratuit. En s'affranchissant de la vérité historique, en bouleversant la chronologie, en renonçant aux situations attendues, l'auteur fait naître une parole libérée, mue par la pulsion. Dans ce temps immobile, tenant lieu d'action : des mots. Paroles profuses pour les possédants, pour les autres, protestations de leur droit à l'existence. Évocation sans fin des adieux à ce qu'on a chéri : objets ou amant. Les phrases s'enroulent, se chevauchent, s'aventurent. Litanie consolante, une sorte de maladie de la parole. Symptôme et guérison à la fois.
Sur le plateau nu, une corde rouge dessine un espace clos circulaire. Les premiers à y pénétrer : un couple. Plus encore que par leur encombrant bagage et leur vêtement opulent c'est par la manière d'envahir l'espace sonore ou plutôt de le saturer qu'ils s'imposent. A la façon de duettistes au numéro bien rôdé, ils se relayent dépliant à l'infini le thème de l'adieu aux meubles, reconstituant par les mots tout ce qu'ils ont dû quitter. Ressassement obsessionnel, répétition lancinante, raisonnement absurde, muraille de son contre le monde hostile. Parole prophylactique. Tant qu'ils la font durer ils sont sauvés. Bouffons burlesques et pathétiques, reflets de nos travers ils nous font rire autant sur eux que sur nous-mêmes. D'autorité ils sont rentrés dans le cercle. Ils s'y dressent soudés, massifs comme une île hors d'atteinte au pied de laquelle viennent battre les paroles des autres survivants. Désormais chaque nouveau décline son identité, raconte son histoire. Récit, apostrophe, supplique, provocation, pour se faire admettre chacun y va de son sésame, de sa stratégie : se montrer humble, susciter la compassion, flatter, ruser, tisser des alliances. De part et d'autre de la frontière s'établit un dialogue où ceux qui sont parvenus à l'intérieur se font les juges de ceux qui aspirent à les rejoindre. C'est une guerre de position où les installés se résignent à lâcher du terrain. Le campement se constitue peu à peu. Chacun sort quelques objets de son bagage et les place autour de soi. Les espaces ainsi créés se chevauchent. Par nécessité les corps se rapprochent.
Image saisissante, énigmatique. Qu'est-ce qui prend forme devant nous ? Un groupe d'humains se serre à l'intérieur d'une corde. Quelle force les tient ainsi réunis sous cette protection dérisoire ? La peur de la peste ? La crainte de la contagion ne devrait-elle pas au contraire les tenir éloignés les uns des autres. Pourrait-il y avoir un risque plus grand encore ? Ce qui s'impose à nous ce n'est pas tant la perception d'un camp retranché au milieu d'un dehors plein de danger que le vide sans limite tout autour. Un dehors déserté de toute présence humaine.
Ils sont tous réunis. Il leur a fallu crier leur nom, supplier qu'on les attende, se forcer une place. Défait le lien qui les enserre, libérés du tropisme qui les a agglutinés, que resterait-il ? En convoquant la peste, en créant un monde écho du nôtre, Lagarce met à l'épreuve notre capacité à faire du lien. Ici ça ne prend pas. Celui qui en arrivant a prononcé son nom, il aura beau le répéter, jamais il ne s'entendra nommer en retour. Celles qui ont obtenu qu'on les attende pour ne pas se perdre ne manifesteront aucune sympathie à l'égard des autres. Bien vite les débuts de dialogue tournent à la dispute puis s'éteignent pour être remplacés par de nouveaux monologues.
Parler, se tenir serrés dans le cercle. En dehors " le fond du fossé qui vous attend pour un sommeil solitaire ou peut-être la mort ". Peur lancinante, crainte répétée. En inscrivant les corps dans cet espace clos, le travail de la mise en scène et de la construction de l'espace rend sensible ce dehors. Avec une économie de moyens radicale, il ouvre le champ des significations qu'il nous faut déplier : un néant qui aspire, trou sans fond, bascule dans le rien. En divisant l'espace, en matérialisant le bord, la mise en scène d'Éliane Morin interroge cette frontière ténue, donne un sens à la quête des personnages. Rechercher l'autre, sa présence pour faire écho à sa propre voix, l'autre comme miroir qui rassure. Ils n'attendent rien de plus, n'imaginent même pas que d'autres liens existent. Juste confirmer son appartenance à l'espèce humaine. En être ou tomber hors du monde. L'effroi d'un corps exposé, sans défense, seul, à même le sol plus encore que la mort.
Rien d'austère cependant. Les huit comédiens donnent vie avec une belle énergie à cette collection d'humains. Rien d'abstrait non plus, il faut les voir marquer leur portion de territoire, se construire un foyer de fortune, s'inventer à la vue de tous un semblant d'intimité, contre vents et marées maintenir distances et bonnes manières. Jouer le jeu de la normalité. Perpétuation maniaque d'un temps d'avant le fléau.
Dernière image : des corps serrés et pourtant séparés, en attente, silencieux, immobiles, reflet de notre position face à eux. Autour, ce qui n'a pas de nom. Devant : le plein, le vide ; entre les deux une tension. Au-delà de la représentation, à nous d'interroger ce bord. Ce qui nous tient séparés et fragiles. L'attente de l'autre, peur et espoir mêlés. L'autre à la fois inquiétude et secours. Ouvrir, avancer, toucher. Risquer le pas, le chemin hasardeux. Une utopie lointaine. Y croire malgré tout…

(Michèle Asia est diplômée de l'Institut d'Études Théâtrales et auteur de fictions)


À propos de la pièce

Vagues souvenirs de l'année de la peste de Jean-Luc Lagarce est une histoire de quête.
Des hommes et des femmes ont quitté une ville de Londres fantasmatique, envahie par la peste.
La peste n'a peut-être jamais existé réellement dans la ville mais elle a existé dans les esprits.
Ils sont donc partis pour fuir cette maladie contagieuse et mortelle.
Chaque jour ils se sont arrêtés pour construire un campement, pour tenter de créer une société humaine où chacun aurait sa place, pourrait vivre et être reconnu par les autres. Échec répété chaque jour car l'individualisme est notre peste originelle.
Dieu, le hasard ou la science ne fournissent pas de réponse.
Quête inlassable de l'humanité depuis son origine, échec jamais définitif.

Texte de la parole, Vagues souvenirs de l'année de la peste nous dit qu'"au commencement était le Verbe".
La parole est acte et vie. Aussi longtemps que les hommes disent leur vie, elle existe. S'ils cessent de parler, elle finit.
La scène de la vie fait alors silence.

Éliane MORIN
Metteur en scène

À propos de la pièce encore

Ils fuient la mort donc la vie.
La peste, c'est la mort inéluctablement liée à la vie.
Ils sont condamnés à se fuir eux-mêmes, à se quitter pour pouvoir rester eux-mêmes, garder ce qu'ils ont " patiemment acquis ".
Toute la pièce est une fuite en avant d'un raisonnement à l'infini, logique imparable, en apparence, érigée comme un mur entre la peste et eux, logique qui, si elle cesse de dérouler son raisonnement, les livrera à la mort.
Il faut donc parler, parler encore, sous peine de mort.
Tant qu'il y a discours, et lutte pour imposer son discours contre celui des autres et donc les autres, il y a l'espoir d'échapper à la peste (" on dit qu'elle y est encore ").
Ils sont anéantis par l'impossibilité de résoudre la contradiction entre être partis de la ville de Londres et y revenir.
La pièce cesse avec la fin du discours, le renoncement à parler, jusqu'à ce que la re-présentation d'eux-mêmes, de nous-mêmes, recommence.

Évelyne Morin

Jean-Luc Lagarce

1957 Il naît à Héricourt en Haute-Saône.
1975 Il s'installe à Besançon.
Il poursuit parallèlement des études de philosophie et les cours du Conservatoire d'art dramatique régional.
1978 Il crée une compagnie amateur La Roulotte, réalise ses premières mises en scène et commence à écrire.
1979 Le théâtre de la Roulotte devient une compagnie professionnelle.
1982 Une de ses pièces est montée au Petit Odéon.
1986 Il apprend sa séropositivité.
1992

Il décède au cours des répétitions de Lula.

Œuvres
Théâtre
La bonne de chez Ducatel 1977
Erreur de construction 1977
Carthage encore 1978
La place de l'autre 1979
Voyage de Madame Knipper vers la Prusse orientale 1980
Ici ou ailleurs 1981
Les Serviteurs 1981
Noce 1982
Vagues souvenirs de l'année de la peste 1982
Hollywood 1983
Histoires d'amour (repérages) 1983
Retour à la citadelle 1984
Les orphelins 1984
De Saxe, roman 1985
Sans titre 1, janvier 1986
La photographie 1986
Derniers remords avant l'oubli 1987
Music-hall 1988
Les prétendants 1989
Juste la fin du monde 1990
Histoire d'amour (derniers chapitres) 1990
Les règles du savoir-vivre dans la société moderne 1993
Nous, les héros 1993
Nous, les héros (2ème version sans le père) 1993
J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne 1994
Le pays lointain 1995
Récits
L'apprentissage 2001
Le bain 2001
Le voyage à la Haye 1997
Livret
Don quichotte 1989
Scénario
Retour à l'automne 1992
Divers
Du luxe et de l'impuissance 1991-1995

 
Distribution

VAGUES SOUVENIRS DE L'ANNÉE DE LA PESTE

Texte : Jean-Luc LAGARCE

Mise en scène et scénographie : Éliane MORIN

Costumes : Évelyne MORIN

Affiche : Éliane MORIN et Michel TRAPP

Régie son et lumière : Marie FEZANS

Distribution :

L’HOMME (Daniel Defoe ?) Patrick GEYRE
MADAME FORSTER Évelyne MORIN
MONSIEUR FORSTER Bernard LÉPINE
LA JEUNE FEMME Éliane MORIN
ROBINSON KREUTZNAER Michel TRAPP
LA NOURRICE Florence ZIEGELBAUM
LA FILLETTE Marie-France SALAS
MOLLY Cécile TAILLARDANT

Le texte est publié aux Éditions Les Solitaires Intempestifs.